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Les livres parus en 1961

Vacances en Iran de Caroline Gazaï  et  Geneviève Gaillet

 

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Vacances en Iran

En mai 1960, Caroline Gazaï et Geneviève Gaillet, toutes deux assistantes sociales à Paris décident d’aller passer leurs grandes vacances en Iran. Caroline, venant d’épouser un iranien installé dans la capitale est impatiente de faire la connaissance de sa belle-famille vivant dans un petit village au nord de l’Iran. Geneviève, sa coéquipière n’allait pas se faire prier longtemps pour profiter d’une balade aussi exceptionnelle.

Pour le choix de la voiture, les deux amies se lancent dans une étude minutieuse. « Après la revue passée des voitures les plus solides et économiques, deux marques restaient en piste : 2CV

Citroën et Volkswagen. Nous avons préféré partir au volant d’une voiture française. Nous n’aurions voulu sous aucun prétexte être prises pour des gretchens ! »

Dès la Porte d’Italie franchie, la pluie commence à tomber et 150 km plus loin, Geneviève au volant s’écrie « je ne vois plus rien » malgré « l’essuie-glace à grande course spécialement installé qui refuse d’adhérer à la vitre. »

En Yougoslavie « notre 2CV fait sensation, il suffit qu’elle reste quelques instants pour qu’elle se trouve entourée d’une foule compacte, tandis que de très gros bonshommes juchés sur les pare-chocs, vérifient la souplesse de la suspension. Pas étonnant : à Kopar vient d’être créée la première chaine de montage de 2CV. Deux cents commandes ont été prises ce premier mois. »

Arrivées en Turquie « le pays tout entier fête dans la liesse la liberté retrouvée. » Le général Gursel vient de prendre le pouvoir « une révolution vient d’avoir lieu. » Traverser l’immensité du pays n’est pas sans risque. Après Trébizonde les deux voyageuses abordent l’Est du pays. « Nous montons, tranquillement comme toujours, les interminables lacets de la piste, en discutant des possibilités de retrouver l’Arche de Noé sur le mont Ararat. D’après la carte il est proche. Mais, à un détour du chemin, cinq solides gaillards coiffés du turban kurde et armés de gros gourdins, nous barrent la route d’un air farouche. Nous n’avons pas le temps de réfléchir, mais notre réaction spontanée est de foncer dans le tas, en zigzagant. Ils ont la bonne idée de se garer. Les coups de bâtons pleuvent sur la carrosserie, nous en serons quitte pour la peur. »  

Le lendemain, «  le lion majestueux du drapeau iranien nous accueille. Enfin, un havre de repos : un hôtel. Il est juste au poste de douane. Les mauvaises langues disent que les formalités durent toujours suffisamment longtemps pour que vous soyez obligés d’y passer la nuit. » « Notre enthousiasme est immense. Enfin nous sommes arrivées…enfin nous sommes en Perse, terme de notre voyage. »

« Geneviève, très en forme, conduit avec une attention redoublée sur cette route éprouvante, obligée de faire un véritable slalom entre les bosses ou les gros cailloux. » « La 2CV semble se jouer de toutes ces difficultés, elle a des ailes. Soudain, deux gros trous trop rapprochés. C’est la catastrophe, la voiture pique du nez, le capot éclate, les bagages s’échappent du toit ouvert. Un nuage de poussière tout autour de nous. »  « Apparemment, la voiture n’a pas trop souffert, mais elle se traine. Nous ferons du 30 à l’heure jusqu’à Tabriz. »

« Téhéran est bâtie sur un plateau à 1200m d’altitude. Ses larges avenues sont bordées de platanes séculaires qui dispensent un charme, une ombre bienfaisante. » La circulation y est déroutante, « un jeune iranien nous dit « voyez comment ils conduisent, nos chauffeurs de taxis, comme des muletiers qui, hier encore conduisaient leurs caravanes. »

Mohammed Reza Shah, l’empereur actuel à l’ambition d’apporter la sécurité et la joie aux iraniens et de moderniser le pays. Très occidentalisé, le Shah fait appel à la France pour construire des écoles, des hôpitaux, des usines et des barrages. En allant visiter le barrage de Mondjil qui est en construction, nos deux amies sont surprises par la signalisation qui est en français « chantier » « attention école. » Mais « Monsieur le maire français existe, lui pour  ses 450 administrés. Une route asphaltée en lacets nous conduit à un village « bien de chez nous » avec son église, son école, ses maisons individuelles et ses magasins. »

La campagne est encore très pauvre et ses habitants assistent avec suspicion au développement de ce modernisme qui tente de faire passer à marche forcée l’ancienne Perse à un Iran industriel. Les femmes travaillent durement, comme les hommes et un proverbe les dépeint ironiquement : « quand il pleut, une femme de la campagne embellit car la crasse s’en va. Mais une femme des villes s’enlaidit, car le maquillage disparait. »

Un jour les deux amies se séparèrent, tandis que Geneviève partait à la découverte des « tribus » du sud, Caroline, réclamée par sa belle-famille remontait vers le Nord. « Occidentale, j’allais brusquement être plongée dans un univers où les femmes ont encore bien peu de liberté. Sarab est un village d’Azerbaïdjan dont la grande rue vient juste d’être asphaltée, mais les maisons de pisée n’ont pas changé depuis des siècles. » « Oh, combien je me sens la femme d’un persan lorsque j’entends mon mari me dire « ici je t’interdis de sortir seule de la maison. » Voilà revenues les habitudes ancestrales. »

Nous savons aujourd’hui que le grand pas en avant souhaité par le Shah pour son peuple fut entravé par les traditions religieuses. Son intransigeance et sa fermeté vis-à-vis de ses opposants le desservirent autant que ses déplacements avec sa « Ferrari de sport » ou son Boeing 707 personnel.

Par contre nous ne saurons jamais ce qu’il advint de la 2CV immatriculée 507 JX 75, les deux voyageuses étant rentrées à Paris en avion.

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